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Voltaire – Candide – Zadig ou la destinée (1747)

Après avoir perdu son premier ministre, le roi choisit le jeune Zadig pour occuper cette place. Tous les courtisans furent contrariés, mais Zadig allait mettre son talent en usage et devenir un ministre digne et exemplaire.
Il fit sentir à tout le monde le pouvoir sacré des lois, et ne fit sentir à personne le poids de sa dignité. Il ne gêna point les voix du divan, et chaque vizir pouvait avoir un avis sans lui déplaire. Quand il jugeait une affaire, ce n’était pas lui qui jugeait, c’était la loi; mais quand elle était trop sévère, il la tempérait; et quand on manquait de lois, son équité en faisait qu’on aurait prises pour celles de Zoroastre.

C’est de lui que les nations tiennent ce grand principe, Qu’il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. Il croyait que les lois étaient faites pour secourir les citoyens autant que pour les intimider. Son principal talent était de démêler la vérité, que tous les hommes cherchent à obscurcir. Dès les premiers jours de son administration il mit ce grand talent en usage. Un fameux négociant de Babylone était mort aux Indes; il avait fait ses héritiers ses deux fils par portions égales, après avoir marié leur sœur, et il laissait un présent de trente mille pièces d’or à celui de ses deux fils qui serait jugé l’aimer davantage. L’aîné lui bâtit un tombeau, le second augmenta d’une partie de son héritage la dot de sa sœur; chacun disait: C’est l’aîné qui aime le mieux son père, le cadet aime mieux sa sœur; c’est à l’aîné qu’appartiennent les trente mille pièces.

Zadig les fit venir tous deux l’un après l’autre. Il dit à l’aîné: Votre père n’est point mort, il est guéri de sa dernière maladie, il revient à Babylone. Dieu soit loué, répondit le jeune homme; mais voilà un tombeau qui m’a coûté bien cher! Zadig dit ensuite la même chose au cadet. Dieu soit loué! répondit−il, je vais rendre à mon père tout ce que j’ai; mais je voudrais qu’il laissât à ma sœur ce que je lui ai donné. Vous ne rendrez rien, dit Zadig, et vous aurez les trente mille pièces; c’est vous qui aimez le mieux votre père.

Une fille fort riche avait fait une promesse de mariage à deux mages, et, après avoir reçu quelques mois des instructions de l’un et de l’autre, elle se trouva grosse. Ils voulaient tous deux l’épouser. Je prendrai pour mon mari, dit−elle, celui des deux qui m’a mise en état de donner un citoyen à l’empire. C’est moi qui ai fait cette bonne œuvre, dit l’un. C’est moi qui ai eu cet avantage, dit l’autre. Eh bien! répondit−elle, je reconnais pour père de l’enfant celui des deux qui lui pourra donner la meilleure éducation. Elle accoucha d’un fils. Chacun des mages veut l’élever. La cause est portée devant Zadig. Il fait venir les deux mages. Qu’enseigneras−tu à ton pupille? dit−il au premier. Je lui apprendrai, dit le docteur, les huit parties d’oraison, la dialectique, l’astrologie, la démonomanie; ce que c’est que la substance et l’accident, l’abstrait et le concret, les monades et l’harmonie préétablie. Moi, dit le second, je tâcherai de le rendre juste et digne d’avoir des amis. Zadig prononça: Que tu sois son père ou non, tu épouseras sa mère.

Lecat D. – Le Pisseux (2019) – Le départ de la mère

Entre le décès de sa maman et une “belle-mère” méchante, Eric est triste, perdu et surtout très malheureux, car personne ne le comprend vraiment il n’a personne à qui se confier mis à part sa sœur Anne..

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Lecat D. – Le Pisseux (2019) – Le départ de la mère

Entre le décès de sa maman et une “belle-mère” méchante, Eric est triste, perdu et surtout très malheureux, car personne ne le comprend vraiment il n’a personne à qui se confier mis à part sa sœur Anne..

Sa maman est restée au lit très très longtemps, dans sa chambre sombre qui sentait mauvais. Puis, elle est partie, et son lit est resté vide. Elle est allée au ciel, lui a chuchoté Anne en le serrant dans ses bras. Elle a de la chance, sa maman. Lui aussi, il aimerait monter dans un avion à hélices pour aller jouer au trampoline sur les gros nuages blancs. mais il s’est trompé. Son papa pleure, Anne pleure, Irène, l’amie de sa maman qui est venue pour s’occuper d’eux, pleure aussi. Alors Eric pleure. C’est impressionnant de voir les grands pleurer. Sauf son papa : lui, c’est plutôt marrant, parce qu’il lui a souvent répété que ce sont les mauviettes qui pleurent. Il a le nez rouge, les yeux gonflés : c’est ça, une tête de mauviette? Éric n’a pas osé lui poser la question.
Maintenant, cela fait des semaines que sa maman est dans le ciel. Elle n’en a pas marre de voler toute seule, là-haut? Elle n’a pas envie de redescendre sur Terre pour venir l’embrasser? Chaque soir, il l’attend. C’était leur moment à eux deux, où ils se murmuraient leurs secrets, se chuchotaient leur journée, et où elle lui lisait une histoire. Quand Irène lit un album, elle ne prend pas la voix de la sorcière ni celle des nains. Elle dit tout de la même manière, c’est plat. Et elle se dépêche pour avoir plus vite fini, même si elle ne veut pas le montrer. Parfois même, elle saute une page et elle croit qu’il ne remarque rien. Eric se relève toujours après qu’elle est partie, pour ouvrir la fenêtre. Si sa maman a décidé de revenir la nuit pour un gros câlin avec lui, elle doit pouvoir atterrir dans sa chambre.
Eric n’attend pas que la nuit. Il attend le matin, le midi, le soir. Au petit-déjeuner, il espère la retrouver, car elle seule connaît la bonne dose d’Ovomaltine dans son lait. Quand il rentre de l’école, il court sur la route pour la retrouver plus vite et ne marche que lorsqu’il est trop essoufflé. Mais c’est Irène qui lui ouvre la porte et qui lui ordonne d’enlever ses chaussures pour ne pas salir l’intérieur. Quand papa rentre du bureau, il se dit que maman l’a peut-être rejoint et qu’ils reviennent à deux, mais il a beau chercher des yeux derrière papa, il n’y voit jamais personne. Quand il demande à Irène : “Elle revient quand, maman?”, elle lui fait “Chuuuut!” avec de gros yeux. “Ton père va t’entendre.”
Ce soir, Anne est venue dans son lit. Elle a froid aux pieds et elle les lui colle sur ses cuisses pour les réchauffer.
– Pourquoi ta fenêtre est ouverte?
– Pour maman, quand elle descendra du ciel. Tu sais quand elle va rentrer de son
voyage? Elle te l’a dit, à toi?
Anne soupire avant de répondre :
– Mais Eric, tu n’as pas bien compris. Elle ne va pas revenir. On te l’a dit, elle est
morte. Et quand on est mort, c’est pour toujours. ça veut dire que jamais, jamais on ne la reverra, et c’est très triste.
Anne a une drôle de voix quand elle lui parle.
– Mais tu avais dit qu’elle était au ciel?
Alors, elle lui raconte ce que la sœur Angèle a expliqué en classe quand leur maman est morte. Nous, on est malheureux parce que maman nous manque, mais elle, elle a de la chance, car elle est avec Jésus, dans un endroit très beau, où tout le monde est gentil, où on n’a jamais ni trop chaud ni trop froid, où tout est beau.
– On peut manger autant de glace que l’on veut?
– Je ne sais pas, sœur Angèle ne l’a pas dit.
– Tu crois que maman est contente, là-bas? Même sans nous?
– Oui, parce qu’elle nous voit. C’est pour ca que sœur Angèle a dit qu’on devait être
sages, parce que maman nous surveille et que ça lui fait plaisir et que ça lui fait plaisir qu’on soit gentils.
– Et on ne la reverra jamais?
– Oui, quand on sera vieux et qu’on sera morts, on la retrouvera. Et on restera
ensemble pour toujours.
– Et Irène aussi, elle sera là?
– Non, Eric, non. Irène n’ira pas au ciel.

Contributrice: Chiara Dal Monego

La Boétie – Discours de la servitude volontaire (1574) – Monarchie et tyrannie

Étienne de La Boétie est un contemporain et ami de Montaigne. S’il était monarchiste, il était également favorable à un catholicisme réformé. Dans ce texte, il se pose la question des tyrannies: comment s’installent-elles? Comment peuvent-elles subsister?

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La Boétie – Discours de la servitude volontaire (1574) – Monarchie et tyrannie

Étienne de La Boétie est un contemporain et ami de Montaigne. S’il était monarchiste, il était également favorable à un catholicisme réformé. Dans ce texte, il se pose la question des tyrannies: comment s’installent-elles? Comment peuvent-elles subsister?

Ce ne sont pas les bandes des gens à cheval, ce ne sont pas les compagnies des gens de pied, ce ne sont pas les armes qui défendent le tyran. On ne le croira pas du premier coup, mais certes il est vrai : ce sont toujours quatre ou cinq qui maintiennent le tyran, quatre ou cinq qui tiennent tout le pays en servage. Toujours il a été que cinq ou six ont eu l’oreille du tyran, et s’y sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ont été appelés par lui, pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et communs aux biens de ses pilleries. Ces six adressent si bien leur chef, qu’il faut, pour la société, qu’il soit méchant, non pas seulement par ses méchancetés, mais encore des leurs. Ces six ont six cents qui profitent sous eux, et font de leurs six cents ce que les six font au tyran. Ces six cents en tiennent sous eux six mille, qu’ils ont élevés en état, auxquels ils font donner ou le gouvernement des provinces, ou le maniement des deniers, afin qu’ils tiennent la main à leur avarice et cruauté et qu’ils l’exécutent quand il sera temps, et fassent tant de maux d’ailleurs qu’ils ne puissent durer que sous leur ombre, ni s’exempter que par leur moyen des lois et de la peine. Grande est la suite qui vient après cela, et qui voudra s’amuser à dévider ce filet, il verra que, non pas les six mille, mais les cent mille, mais les millions, par cette corde, se tiennent au tyran, s’aident d’icelle comme, en Homère Jupiter qui se vante, s’il tire la chaîne, d’emmener vers soi tous les dieux. De là venait la crue du Sénat sous Jules, l’établissement de nouveaux États, érection d’offices ; non pas certes à le bien prendre, réformation de la justice, mais nouveaux soutiens de la tyrannie. En somme que l’on en vient là, par les faveurs ou sous-faveurs, les gains ou regains qu’on a avec les tyrans, qu’il se trouve enfin quasi autant de gens auxquels la tyrannie semble être profitable, comme de ceux à qui la liberté serait agréable. Tout ainsi que les médecins disent qu’en notre corps s’il y a quelque chose de gâté, dès lors qu’en autre endroit il s’y bouge rien, il se vient aussitôt rendre vers cette partie véreuse : pareillement, dès lors qu’un roi s’est déclaré tyran, tout le mauvais, toute la lie du royaume, je ne dis pas un tas de larroneaux et essorillés, qui ne peuvent guère en une république faire mal ni bien, mais ceux qui sont tâchés d’une ardente ambition et d’une notable avarice, s’amassent autour de lui et le soutiennent pour avoir part au butin, et être, sous le grand tyran, tyranneaux eux-mêmes.

Baudelaire – Les Fleurs du mal (1857) – La Beauté

Ce poème est construit pour célébrer la Beauté, statue mystérieuse et sensuelle, tellement fascinante pour les poètes, ses amants. Mais que reflètent ses yeux, finalement?

 

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Baudelaire – Les Fleurs du mal (1857) – La Beauté

Ce poème est construit pour célébrer la Beauté, statue mystérieuse et sensuelle, tellement fascinante pour les poètes, ses amants. Mais que reflètent ses yeux, finalement?

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ;
J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études ;

Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

Montaigne – Les Essais (1588) – De la moralité de la conquête de l’Amérique

Lors de leur arrivée au Nouveau Monde, les Conquistadores entendent soumettre les indigènes, qu’ils considèrent comme leurs inférieurs. Néanmoins, ces derniers méritent sans doute plus de considération, comme le démontre ce texte.

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Montaigne – Les Essais (1588) – De la moralité de la conquête de l’Amérique

Lors de leur arrivée au Nouveau Monde, les Conquistadores entendent soumettre les indigènes, qu’ils considèrent comme leurs inférieurs. Néanmoins, ces derniers méritent sans doute plus de considération, comme le démontre ce texte.

Que n’est tombée sous Alexandre ou sous ces anciens Grecs et Romains une si noble conquête, et une si grande mutation et altération de tant d’empires et de peuples sous des mains qui eussent doucement poli et défriché ce qu’il y avait de sau­vage, et eussent conforté et promu les bonnes semences que nature y avait produites, mêlant non seulement à la culture des terres et ornement des villes les arts de deçà, en tant qu’elles y eussent été nécessaires, mais aussi mêlant les vertus grecques et romaines aux originelles du pays ! Quelle réparation eût-ce été, et quel amendement à toute cette machine, que les premiers exemples et déportements nôtres qui se sont présentés par-delà eussent appelé ces peuples à l’admiration et imitation de la vertu et eussent dressé entre eux et nous une fraternelle société et intelligence ! Combien il eût été aisé de faire son profit d’âmes si neuves, si affamées d’apprentissage, ayant pour la plupart de si beaux commencements naturels ! Au rebours, nous nous sommes servis de leur ignorance et inexpérience à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, avarice et vers toute sorte d’inhumanité et de cruauté, à l’exemple et patron de nos mœurs. Qui mit jamais à tel prix le service de la mercadence et de la trafique ? Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée, et la plus riche et belle partie du monde bouleversée pour la négociation des perles et du poivre : mécaniques victoires. Jamais l’ambition, jamais les inimitiés publiques ne poussèrent les hommes les uns contre les autres à si horribles hostilités et calamités si misérables.
En côtoyant la mer à la quête de leurs mines, aucuns Espagnols prirent terre en une contrée fertile et plaisante, fort habitée, et firent à ce peuple leurs remontrances accoutumées : qu’ils étaient gens paisibles, venant de lointains voyages, envoyés de la part du roi de Castille, le plus grand prince de la terre habitable, auquel le pape, représentant Dieu en terre, avait donné la principauté de toutes les Indes ; que s’ils vou­laient lui être tributaires, ils seraient très bénignement traités ; leur demandaient des vivres pour leur nourriture, et de l’or pour le besoin de quelque médecine ; leur remon­traient au demeurant la créance d’un seul Dieu, et la vérité de notre religion, laquelle ils leur conseillaient d’accepter, y ajoutant quelques menaces. La réponse fut telle : que quant à être paisibles, ils n’en portaient pas la mine, s’ils l’étaient ; quant à leur roi, puisqu’il demandait, il devait être indigent et nécessiteux ; et celui qui lui avait fait cette distribution, homme aimant dissension, d’aller donner à un tiers chose qui n’était pas sienne, pour le mettre en débat contre les anciens possesseurs ; quant aux vivres, qu’ils leur en fourniraient ; d’or, ils en avaient peu, et que c’était chose qu’ils mettaient en nulle estime, d’autant qu’elle était inutile au service de leur vie, là où tout leur soin regardait seulement à la passer heureusement et plaisamment ; pourtant ce qu’ils en pourraient trouver, sauf ce qui était employé au service de leurs dieux, qu’ils le pris­sent hardiment ; quant à un seul Dieu, le discours leur en avait plu, mais qu’ils ne vou­laient changer leur religion, s’en étant si utilement servis si longtemps, et qu’ils n’avaient accoutumé prendre conseil que de leurs amis et connaissants; quant aux menaces, c’était signe de faute de jugement d’aller menaçant ceux desquels la nature et les moyens étaient inconnus ; ainsi qu’ils se dépêchassent promptement de vider leur terre, car ils n’étaient pas accoutumés de prendre en bonne part les honnêtetés et remontrances de gens armés et étrangers ; autrement, qu’on ferait d’eux comme de ces autres, leur montrant les têtes d’aucuns hommes justiciés autour de leur ville. Voilà un exemple de la balbucie de cette enfance.

Rabelais – Gargantua (1534) – Les Pèlerins

Grandgousier voit arriver en son royaume un groupe de pèlerins. Le pèlerinage est une activité courante au Moyen Âge, mais aussi très lucrative pour l’Église. Cela ne va pas sans déranger ce bon roi soucieux de ses sujets.

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