Un bouleversement

Monsieur Grandet, homme très riche de Saumur, était d’une avarice exceptionnelle. Il menait Résultat de recherche d'images pour "avarice"une vie étrange et inhabituelle mais qui convenait malgré tout à sa fille Eugénie, sa femme et sa servante Nanon. Lorsqu’un jour, alors qu’il est entouré de ses amis pour l’anniversaire d’Eugénie, un homme frappe à la porte. La famille ne le sait pas encore mais ce voyageur va boulverser leur vie à jamais.

Au moment où madame Grandet gagnait un lot de seize sous, le plus considérable qui eût jamais été ponté dans cette salle et que la grande Nanon riait d’aise en voyant madame empochant cette riche somme, un coup de marteau retentit à la porte de la maison, et y fit un si grand tapage que les femmes sautèrent sur leur chaise.
-Ce n’est pas un homme de Saumur qui frappe ainsi, dit le notaire.
-Peut-on cogner comme ça, dit Nanon. Veulent-ils casser notre porte ?
-Quel diable est-ce ? s’écria Grandet
Nanon prit une des deux chandelles, et alla ouvrir accompagnée de Grandet.
-Grandet,Grandet, s’écria sa femme qui poussée par un vague sentiment de peur s’élança vers la porte de la salle.
Tous les joueurs se regardèrent.
-Si nous y allions, dit monsieur des Grassins. Ce coup de marteau me paraît malveillant.
À peine fut-il permis à monsieur des Grassins d’apercevoir la figure d’un jeune homme accompagné du facteur des messageries, qui portait deux malles énormes et traînait des sacs de nuit. Grandet se retourna brusquement vers sa femme et lui dit :
-Madame Grandet, allez à votre loto. Laissez-moi m’entendre avec monsieur.
Puis il tira vivement la porte de la salle, où les joueurs agités reprirent leurs places, mais sans continuer le jeu.
-Est-ce quelqu’un de Saumur, monsieur des Grassins ? lui dit sa femme.
-Non c’est un voyageur.
-Il ne peut venir que de Paris. En effet, dit le notaire en tirant sa vieille montre épaisse de deux doigts et qui ressemblait à un vaisseau hollandais, il est neuf heures. Peste ! La diligence du Grand Bureau n’est jamais en retard.
-Et ce monsieur est-il jeune ? demanda l’abbé Cruchot.
-Oui, répondit monsieur des Grassins. Il apporte des paquets qui doivent peser au moins trois cents kilos.
-Nanon ne revient pas, dit Eugénie.
-Ce ne peut être qu’un de vos parents, dit le président.
-Faisons les mises, s’écria doucement madame Grandet. A sa voix, j’ai vu que monsieur Grandet était contrarié, peut-être ne serait-il pas content de s’apercevoir que nous parlons de ses affaires.
-Mademoiselle, dit Adolfe à sa voisine, ce sera sans doute votre cousin Grandet, un bien joli jeune homme que j’ai vu au bal de monsieur de Nucingen. Adolfe ne continua pas, sa mère lui marcha sur le pied, puis, en lui demandant à haute voix deux sous pour sa mise :
-Veux-tu te taire, grand nigaud ! lui dit-elle a l’oreille.
En ce moment Grandet rentra sans la grande Nanon, dont le pas et celui du facteur retentirent dans les escaliers ; il était suivi du voyageur qui depuis quelques instants, excitait tant de curiosités et préoccupait si vivement les imaginations, que son arrivée en ce logis et sa chute au milieu de ce monde peut être comparée à celle d’un colimaçon dans une ruche, ou à l’introduction du paon dans quelque obscure basse-cours de village.

Contributrice: Stellian Laura

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