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Rabelais – Gargantua (1534) – Les Pèlerins

Grandgousier voit arriver en son royaume un groupe de pèlerins. Le pèlerinage est une activité courante au Moyen Âge, mais aussi très lucrative pour l’Église. Cela ne va pas sans déranger ce bon roi soucieux de ses sujets.

Cependant, Grandgousier interrogeait les pèlerins, de quel pays ils étaient, d’où ils venaient et où ils allaient. Lasdaller pour tous répondit :« Seigneur, je suis de Saint-Genou en Berry ; celui-ci est de Palluau ; celui-ci est d’Onzay ; celui-ci est d’Argy et celui-ci est de Villebernin. Nous venons de Saint-Sébastien près de Nantes, et nous en retournons par nos petites journées.
– Vraie, dit Grandgousier, mais qu’alliez-vous faire à Saint-Sébastien ?
– Nous allions, dit Lasdaller, lui offrir nos votes contre la peste.
– Oh ! dit Grandgousier, pauvres gens, estimez-vous que la peste vienne de saint Sébastien ?
– Oui, vraiment, répondit Lasdaller, nos prêcheurs nous l’affirment.
– Oh ! dit Grandgousier, les faux prophètes vous annoncent-ils de tels abus ? Blas­phèment-ils en cette façon les justes et les saints de Dieu, qu’ils les font semblables aux diables, qui ne font que mal entre les humains ? Comme Homère écrit que la peste fut mise en l’ost des Grégeois par Apollon, et comme les poètes feignent un grand tas de Vejovis et dieux malfaisants? Ainsi prêchait à Cinais un cafard, que saint Antoine mettait le feu ès jambes, et saint Eutrope faisait les hydropiques, et saint Gildas les fous, saint Genou les gouttes. Mais je le punis en tel exemple, quoiqu’il m’ap­pelât hérétique, que depuis ce temps cafard quiconque n’est osé entrer en mes terres.
Et m’ébahis si votre roi les laisse prêcher par son royaume tels scandales. Car plus sont à punir que ceux qui par art magique ou autre engin auraient mis la peste par le pays. La peste ne tue que le corps : mais ces prédications diaboliques infectionnent les âmes des pauvres et simples gens. »
[…]
Lors dit Grandgousier :
« Allez-vous-en, pauvres gens, au nom de Dieu le créateur, lequel vous soit en guide perpétuelle. Et dorénavant, ne soyez faciles à ces ocieux et inutiles voyages. Entre­tenez vos familles, travaillez chacun en sa vacation, instruisez vos enfants, et vivez comme vous enseigne le bon apôtre saint Paul. Ce faisant, vous aurez la garde de Dieu, des anges et des saints avec vous ; et n’y aura peste ni mal qui vous porte nuisance. »

La lettre du voyant (1871) – Se faire voyant

C’est sous le titre « Lettre du voyant » que l’on connaît cette lettre adressée par Arthur Rimbaud à son ami Paul Demeny. Rimbaud, qui n’a que 17 ans à l’époque, dresse un bilan de l’histoire poétique, qui pour lui est arrivée à une impasse. Il faut renoncer à la tradition issue de l’Antiquité et reprendre une exploration de l’âme propre au poète, quel qu’en soit le prix. Au terme de ce processus, le poète se fera voyant.

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Rimbaud – La Lettre du voyant (1871) – Se faire voyant

C’est sous le titre « Lettre du voyant » que l’on connaît cette lettre adressée par Arthur Rimbaud à son ami Paul Demeny. Rimbaud, qui n’a que 17 ans à l’époque, dresse un bilan de l’histoire poétique, qui pour lui est arrivée à une impasse. Il faut renoncer à la tradition issue de l’Antiquité et reprendre une exploration de l’âme propre au poète, quel qu’en soit le prix. Au terme de ce processus, le poète se fera voyant.

Si les vieux imbéciles  n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs ! […]

La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver; cela semble simple: en tout cerveau s’accomplit un développement naturel; tant d’égoïstes se proclament auteurs; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur progrès intellectuel ! – Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse: à l’instar des comprachicos(1), quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage.

Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.

Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.
Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, – et le suprême Savant ! – Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innommables: viendront d’autres horribles travailleurs; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé !

1 Personnes qui achetaient des enfants en Amérique Latine. Ils leur infligeaient des déformations durant leur croissance (comme des bonzaïs) et les revendaient plus tard comme des monstruosités.

Baudelaire – Les Fleurs du mal (1857) – L’Albatros

Au travers de la figure de l’albatros, c’est du poète que traite Baudelaire. Les deux créatures présentent bien plus de points communs que l’on pourrait d’abord imaginer. Tour à tour magnifiques et ridicules, ils ont à souffrir l’encombrant voisinage des hommes.

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Baudelaire – Les Fleurs du mal (1857) – L’Albatros

Au travers de la figure de l’albatros, c’est du poète que traite Baudelaire. Les deux créatures présentent bien plus de points communs que l’on pourrait d’abord imaginer. Tour à tour magnifiques et ridicules, ils ont à souffrir l’encombrant voisinage des hommes.

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

L’Utopie (1516) – Comment faire tenir le système?

L’humaniste anglais Thomas More (1478-1535) fut un catholique assez rigoriste. Choqué par les abus présents dans la société anglaise, il voulut réagir. Il publia ainsi un ouvrage en latin où il décrivait le pays idéal selon lui: L’Utopie. Les valeurs de ce pays imaginaires sont les valeurs chrétiennes enfin actualisées. D’un côté, le système imaginé est fonctionnel. Mais de l’autre, ce pays reste imaginaire…

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Comment faire tenir le système?

L’humaniste anglais Thomas More (1478-1535) fut un catholique assez rigoriste. Choqué par les abus présents dans la société anglaise, il voulut réagir. Il publia ainsi un ouvrage en latin où il décrivait le pays idéal selon lui: L’Utopie. Les valeurs de ce pays imaginaires sont les valeurs chrétiennes enfin actualisées. D’un côté, le système imaginé est fonctionnel. Mais de l’autre, ce pays reste imaginaire…

Arrivés à ce point il nous faut, pour nous épargner une erreur, considérer attenti­vement une objection. Si chacun ne travaille que six heures, penserez-vous, ne risque-t-on pas inévitablement de voir une pénurie d’objets de première nécessité ?

Bien loin de là : il arrive souvent que cette courte journée de travail produise non seulement en abondance, mais même en excès, tout ce qui est indispensable à l’entre­tien et au confort de la vie. Vous me comprendrez aisément si vous voulez bien pen­ser à l’importante fraction de la population qui reste inactive chez les autres peuples, la presque totalité des femmes d’abord, la moitié de l’humanité ; ou bien, là où les femmes travaillent, ce sont les hommes qui ronflent à leur place. Ajoutez à cela la troupe des prêtres et de ceux qu’on appelle les religieux, combien nombreuse et com­bien oisive ! Ajoutez-y tous les riches, et surtout les propriétaires terriens, ceux qu’on appelle les nobles. Ajoutez-y leur valetaille, cette lie1 de faquins2 en armes ; et les men­diants robustes et bien portants qui inventent une infirmité pour couvrir leur paresse. Et vous trouverez, bien moins nombreux que vous ne l’aviez cru, ceux dont le travail procure ce dont les hommes ont besoin.

Demandez-vous maintenant combien il y en a parmi eux dont l’activité a une fin véritablement utile. Nous évaluons toutes choses en argent, ce qui nous amène à pra­tiquer quantité d’industries3 totalement inutiles et superflues, qui sont simplement au service du luxe et du plaisir. Cette multitude des ouvriers d’aujourd’hui, si elle était répartie entre les quelques branches qui utilisent vraiment les produits de la nature pour le bien de tous, elle créerait de tels surplus que l’avilissement4 des prix empê­cherait les ouvriers de gagner leur vie. Mais que l’on affecte à un travail utile tous ceux qui ne produisent que des objets superflus et, en plus, toute cette masse qui s’engour­dit dans l’oisiveté et la fainéantise, gens qui gaspillent chaque jour, du travail des autres, le double de ce que le producteur lui-même consomme pour son propre compte : vous verrez alors combien il faut peu de temps pour produire en quantité nécessaire les choses indispensables ou simplement utiles, sans même négliger ce qui peut contribuer au plaisir, pourvu que celui-ci soit sain et naturel.

C’est ce qu’on voit à plein en Utopie. Dans toute une ville avec sa banlieue, parmi l’ensemble des hommes et des femmes en âge et en état de travailler, il n’y en a pas cinquante à qui dispense en soit accordée. Même les syphograntes5, que la loi exempte du travail manuel, l’assument volontairement, afin d’entraîner les autres par leur exemple. Jouissent d’une immunité analogue ceux auxquels le peuple, sur la recom­mandation des prêtres et par un vote secret des syphograntes, accorde une dispense à vie afin qu’ils puissent se consacrer tout entiers aux études. Si l’un d’eux déçoit l’es­pérance qu’on a mise en lui, il est renvoyé parmi les ouvriers. Il n’est pas rare en revanche qu’un ouvrier consacre aux lettres ses heures de loisir avec une telle ferveur, et obtienne par son zèle de tels résultats, qu’on le décharge de sa besogne pour le pro­mouvoir parmi les lettrés. C’est parmi eux que l’on choisit les ambassadeurs, les prêtres, les tranibores6, enfin le prince lui-même.

1 Racaille

2 Hommes méprisables

3 Métiers

4 Baisse.

5 Chefs de gouvernement dans le pays imaginé par More.

6 Magistrats d’Utopie.

Cobre (cuivre) – Un peu de géographie

Jorge, journaliste et attaché en communication, est devenu un proche du Président chilien socialiste Salvador Allende. Ce dernier vient de convoquer Jorge. Résultat de recherche d'images pour "salvador allende"

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Un peu de géographie

Jorge, journaliste et attaché en communication, est devenu un proche du Président chilien socialiste Salvador Allende. Ce dernier vient de convoquer Jorge. Résultat de recherche d'images pour "salvador allende"

Le président se faisait attendre. Que pouvait-il y avoir de si urgent ? Le regard de Jorge parcourut la pièce qu’il connaissait par cœur. Sur le bureau trônaient les photos de sa famille : sa femme Hortensia, ses filles Carmen Paz, Beatriz et Isabel, et dans un autre cadre, plus vieux, ses parents, Salvador Allende Pedro et Laura Gossens Uribe. Jorge savait tout sur eux, tant le Président aimait évoquer ses racines. Son père, avocat à la cour d’appel de Valparaiso, dont les ancêtres basques étaient arrivés au Chili au XVIIe siècle, et sa mère, fille d’un émigrant belge… Un jour, après lui avoir rappelé qu’il avait du sang belge dans ses veines, il avait demandé à Jorge :
«  Toi qui connais tout, tu sais où cela se trouve, la Belgique ?
– En Europe. C’est un petit pays entre le France et les Pays-Bas…
– Tu oublies l’Allemagne et le Luxembourg. Il faut toujours bien connaitre la géographie quand on fait de la politique. Et le Chili, tu le connais ? »
Un peu penaud, Jorge avait confessé avoir peu voyagé dans son propre pays. Quelques jours dans le sud, pour un reportage sur la Patagonie, et des vacances à La Serena, une ville balnéaire en vogue.
« Eh bien, il est temps que tu découvres les incroyables richesses de ce Chili que nous aimons tant. C’est un ordre présidentiel. »
Un ordre auquel Jorge avait promis d’obéir quand le Président lui en laisserait le temps.
Un bruit dans l’antichambre le sortit de sa rêverie. Le maitre des lieux prenait congé de ses conseillers. Il entra dans la pièce d’un pas pressé et s’assit en face de Jorge, l’air préoccupé.
« Tu vas bien, fils ?
– Je vais bien, Monsieur le Président. Et vous-même ? »
Allende ôta ses lunettes et de frotta les yeux.
« Bon sang, il y a des jours où je me demande ce qui m’a pris de vouloir être Président. Et même de faire de la politique. J’aurais mieux fait d’ouvrir un cabinet médical après mes études », répondit-il en tirant sur les poils de sa moustache.
Ce n’était pas la première fois que Jorge entendait ce discours. Il revenait chaque fois qu’une nouvelle épreuve se présentait sur le chemin chaotique de la présidence. Le pays traversait une crise économique importante : le taux d’inflation atteignait les 180%. Dans les rues, les commerçants, les camionneurs défilaient en demandant la démission du gouvernement. La plus impressionnante des manifestations fut la marche des casseroles vides. Les femmes qui ne pouvaient plus assurer les fins de mois tapaient violemment sur des casseroles avec des cuillères, faisant un boucan épouvantable dans les rues de Santiago. Réfugié dans son palais, Allende, abasourdi par la cacophonie de cet étrange orchestre en colère dut bien reconnaitre qu’il ne disposait pas encore des moyens de sa politique.
« Je viens de peaufiner la proposition de référendum que je soumettrais demain au parti. Je souhaite que les citoyens s’expriment sur mon maintien en tant que chef de l’Etat. Certains pensent que c’est un suicide politique, mais la situation économique est tellement grave que je ne pourrai continuer à gouverner qu’avec le soutien du peuple. Nous verrons. »

Contributeur: Bouché Alexandre

Patricia – Le poids des êtres

Résultat de recherche d'images pour "africaine"Jean Iritimbi demande à Patricia de veiller sur Vanessa, sa fille, alors qu’il part à la recherche de Christine et Myriam, sa femme et son autre enfant, toutes deux disparues dans le naufrage du bateau censé les amener en Europe.

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